samedi 23 septembre 2017

LETTRE À MA MÈRE AURORE. LUE PAR MON FILS AÎNÉ, ALIX PASQUET III, A LA CÉRÉMONIE DE SES FUNÉRAILLES CET APRÈS-MIDI À MIAMI.

Ma mère, Aurore LIGONDE BENNETT
16 octobre 1932 - 20 septembre 2017
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Maman,
Aurore,

Tu m'as dit un jour qu'à ma naissance combien Papa était déçue que je ne sois pas un garcon. Première née de tes sept enfants, j'ai toujours tout fait pour être à la hauteur des attentes de Ernest. Ai-je réussi? Je ne sais toujours pas. Mais Toi, maman, tu m'as toujours encouragée, poussée à toujours mieux faire, à dépasser mes limites. Tu es celle qui a toujours tenu tête à Papa et insister que tes enfants fassent des études. Jamais tu ne baissais les bras devant nos échecs et tu nous poussais toujours à recommencer pour mieux faire.

Grand-père Georges Bennett te surnommait "Madame brise-tout". Ce surnom nous amusait et en même temps on craignait tes grandes scènes de jalousie avec notre père, grand coureur de jupons devant l'Eternel! Tu cassais si souvent la vaisselle de la maison, qu'un jour, pressentant une nouvelle scène de ménage avec Ernest, je me suis précipitée chez Handal pour acheter des assiettes en carton pour le dîner afin d'épargner notre service en porcelaine. Avec toi, le budget porcelaine de Limoges était assez élevé. Ce qui faisait la joie des grandes maisons de Port-au-Prince qui les représentait. Pour te taquiner, Papa s'amusait toujours à t'offrir à chaque anniversaire, un beau bijou et surtout de la vaisselle et des verres.

Je me souviendrai toujours de cette énième scène où tu avais surpris notre Casanova de père en galante compagnie dans un hotel-restaurant de Kenscoff. Ce jour là, je priais de toutes mes forces que cette voleuse de mari soit épargnée par ta colère. La pauvre l'a échappé belle mais tel ne fut le cas pour sa belle voiture qui était bonne pour la casse ainsi que le nez de Papa. Arrivé à la maison, votre dispute continua dans votre chambre. Avec mes six frères et sœurs, nos oreilles collées à la porte, on n'entendait que ta voix et parfois celle très faible de Papa qui se confondait en excuses. "Mais chérie, tu te trompes! Ce n'est pas ma maîtresse! Ce n'est qu'une jeune journaliste à qui j'apprends le métier et qui me demande des conseils!" Et toi, maman, tu le connaissais si bien, ton coureur de mari, tu lui répondais de ses réparties qui n'étaient propres qu'à toi: " Ah bon! Une journaliste aux cuisses hospitalières oui! Et son éditorial? Tu te proposais de le lui dicter dans un lit de cette chambre d'hôtel en guise de dessert?". Oh! La! La! Cette dispute était si violente entre vous deux que je craignais le pire. Tu as demandé ce jour là à Papa de partir de la maison en le menaçant de divorce. Ernest prit une valise mais au moment de passer la porte, tu t'es approché de lui et tu lui dis: "Ernest Bennett! Où penses-tu aller comme ça?" Et papa, d'une petite voix de répondre: "Mais chérie! Tu m'as demandé de partir." Et toi de répliquer: "Rentre tout de suite dans notre chambre sinon je me fâche à nouveau! On ne quitte pas ma maison comme on veut! Et je t'ai épousé pour le meilleur et pour le pire!".

Pour nous les enfants, c'était des scènes de ménage dignes d'Hollywood. Dignes de mon couple préfèré, Elizabeth Taylor et Richard Burton. Je comprends ma grande fascination pour ce couple d'acteurs.

Tu as été la meilleure amie pour tous ceux qui te connaissaient. Généreuse avec les tiens et ceux qui étaient dans le besoin. Toujours prête à venir en aide. Courageuse, tu l'as été en de maintes occasions. Ta maison était ouverte à tous, aux plus humbles et tu étais toujours à l'écoute de tous, distribuant tes bons conseils.

Tu es celle qui m'a le plus soutenue à la mort de Joan et de Rudy et tout ce que je sais aujourd'hui, je l'ai appris de toi. Merci Aurore.

Je ne réalise toujours pas que tu nous as quittés. Je ne peux pas. Je ne veux pas. Tu es parti trop brutalement. Comme pour papa, nos grand-parents, nos deux oncles, Pitchoune et Lesly, tes sœurs, Violaine, Gisèle et Marie-Francoise, je ne pourrai pas non plus assister à ton départ aujourd'hui en compagnie de la famille. Mais je sais que tu ne m'en voudras pas sachant que depuis 37 ans, je porte le lourd fardeau de mon destin, ce destin que j'assume pour le meilleur et pour le pire, comme tu le disais si bien à papa, et qui me vaut aujourd'hui d'être dans l'incapacité, pour Anya et moi, de nous joindre à la famille pour saluer ton départ.

Ma très belle Aurore, aujourd'hui tu t'en vas, entourée de ton unique frère Pierrot, de certains de tes enfants, Chantal, Nano et Capucine, de tes petits-enfants, de tes neveux et nièces, tes cousins et de tes amis. Ils sont tous la.

Physiquement, je ne suis pas présente pour te voir partir mais dans mon cœur et dans mon âme, tu m'as laissé les plus belles valeurs et surtout ton amour. Je te laisse partir, dors en paix maman, tu as parfaitement réussi ta vie et nous sommes tous fiers d'avoir été mis à travers ton chemin, et que tu nous aies autant bien aimés. Merci.

Adieu Aurore. Je t'aime Maman.
Je t'aime Mamie Aurore. Anya
Je t'aime Maman. Frantz

Ta fille Michele.

Michele Bennett Duvalier
Paris, France
Le 23 Septembre 2017



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