mercredi 3 mai 2017

Rumeur de banques haïtiennes en faillite

BLANCHIMENT D’ARGENT ET FINANCEMENT DU TERRORISME

Maxime Charles

À QUELQUES SEMAINES D’UNE DÉCISION DU GAFIC

Rumeur de banques haïtiennes en faillite

Le compte à rebours commence pour le système bancaire haïtienne, confronté à la décision du Groupe d’action financière de la Caraïbe (GAFIC) relative au blanchiment des avoirs et au financement du terrorisme. À environ quatre semaines de cette réunion, prévue pour le 29 mai, Haïti n’a toujours pas mis son devoir au propre. Déjà, des rumeurs persistantes font état de la faillite de certaines banques haïtiennes, suite à de gros retraits qui auraient été effectués par des hommes d’affaires precautionneux, ne désirant pas que leurs comptes soient associés à des institutions soupçonnées de «mauvaises pratiques bancaires ».

Claude Pierre-Louis
Selon une source bancaire autorisée, un des hommes d’affaires les mieux côtés financièrement du pays aurait décidé de cesser de faire des affaires avec une des banques les plus importantes d’Haïti. Joignant le geste à la parole, il aurait tout bonnement fermé ses comptes à la banque en question.

Cette même source a précisé que le client, qui avait ses compte en résidence à cette institution depuis plus d’une vingtaine d’années, aurait fait virer plus de USD 5 millions $ sur un autre compte qu’il pos- sède à l’étranger. Tout en indiquant qu’il ignorait les motifs de cette décision, l’informateur a expliqué que le client en question aurait agi sur la recommandation de certains de ses amis étrangers ayant exprimé des inquiétudes concernant la décision éventuelle du GAFIC relative aux banques haïtiennes. Car menacé de sanctions par l’institution de contrôle des banques de la région, lors d’une précédente réunion, il y a quelques mois, le système bancaire haïtien avait alors bénéficié d’un sursis. À condition, bien sûr, que les autorités haïtiennes pren- nent des dispositions en vue de se mettre en règle avec le GAFIC. Mais en dépit de l’urgence, les dirigeants haïtiens n’ont pas jugé nécessaire d’aller vite en besogne et de créer les conditions qui porteraient les décideurs de l’institution caribéenne de prendre une décision favorable aux banques haïtiennes. De toute évidence, la condition de la plus haute autorité du pays ayant sur la tête une inculpation criminelle pour blanchiment d’argent n’est pas vu de bon œil par les gens du GAFIC. Pour des observateurs, qui passent pour des autorités dans les affaires bancaires, les démêlés du président Jovenel Moïse avec l’Unité centrale de référence fiscale (UCREF) pèseront lourd dansla balance au moment où l’institution de contrôle des banques de la région devra prendre sa décision sur Haïti.

Haïti laisse traîner les choses

Pour plusieurs observateurs, dans le cas d’un pays comme Haïti, qui est comme placé sous surveillance par le GAFIC, les dirigeants agissent avec légèreté, donnant l’impression qu’ils entendent faire à leur guise et affichant très peu de volonté de collaborer dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Si après des années, que la prochaine réunion du GAFIC doit se tenir pratiquement dans trois semaines, et que les décideurs d’Haïti n’ont pas aidé à l’évolution de la situation, c’est un cas extrêmement grave. Une telle attitude est considérée comme si les responsables haïtiens font la nique au GAFIC.Cela en a tout l’air, considérant la désinvolture avec laquelle les institutions haïtiennes traitent la question de la mise en règle du pays avec les règlements sur le blanchiment des avoirs et le financement du terrorisme.

Sans nul doute, les leaders du GAFIC suivent de près l’évolution des choses en Haïti, particulièrement la partition que doit jouer le Parlement par rapport aux lois prévues pour être votées. En tout cas, deux institutions haïtiennes ayant une réputation de proximité avec lemonde interlope, notamment les trafiquants de drogue, le Sénat et la Chambre des députés font l’objet d’une étroite surveillance de la part de l’institution antillaise.

Pour mieux apprécier l’attitude du Parlement haïtien, eu égard à la priorité à accorder au vote de la loi organique de l’UCREF, ilsuffit de se rappeler que cette législation a été votée par le Sénat depuis le 28 septembre 2016. Elle continue de moisir dans les tiroirs, attendant que les députés décident d’entériner la version votée par le Grand Corps.

Carl Braun, preśident du Conseil d'administration de la UNIANK, la plus grande d'Haiẗi.
Sans nul doute, les diplomates étrangers en poste en Haïti observent ce dossier avec intérêt, principalement la manière dont la justice haïtienne gère l’affaire Jovenel Moïse-UCREF se trouvant devant le juge instructeur Brédy Fabien depuis le mois de septembre 2016. Le dossier fait l’objet de l’attention soutenue du monde diplomatique guettant les moindres gestes des autorités judiciaires haïtiennes qui ont la mauvaise réputation de blanchir des « chefs » accusés de crime.

Pour plusieurs diplomates étrangers, la mise en quarantaine de la loi organique de l’UCREF à la Chambre basse est loin d’être un hasard. Ils pensent que, piloté par le président de cette institution, le député Chozler Chancy, elle ne saurait avancer parce que ce dernier n’a aucun intérêt à ce que cette législation entre en vigueur. Aux yeux de plusieurs diplomates, M. Chancy n’est pas au-dessus de tout soupçon, eu égard aux activités illicites. Ces derniers attirent l’attention sur l’auberge du président de la Chambre basse dont le coût de la construction serait évalué à USD 5 millions $. On ne cesse de poser des questionssur l’origine des fonds qui ont été utilisés pour le financement d’un tel complexe balnéaire.

Les banques haïtiennes et le blanchiment

Dans les milieux bancaires internationaux, les institutions haïtiennes sont mal vues, soupçonnées d’avoir violé les dispositions sur les dépôts de l‘argent sale, elles ont été menacées de sanctions. Bien qu’elles soient l’objet d’une considération spéciale, certaines d’entre elles ont été supprimées par leurs correspondantes américaines avant même le verdict du GAFIC.

De l’avis de plusieurs observateurs, cette décisions se justifie par le fait que les banques haïtiennes ont la réputation d’héberger des fonds d’origine douteuse, sinon des recettes provenant du trafic de stupéfiants. Au point qu’on laisse croire que, parmi les institutions bancaires haïtiennes, il y en a qui possèdent des dizaines de millions en devises sales stockées dans leurs coffres-forts. On prétend que si elles évitent de déposer ces fonds, pour éviter d’éveiller l’attention des « gardiens », elles parviennent, de temps à autres, à effecteur des transactions suspectes.

Au moins deux personnalités évoluant dans le monde bancaire ont affirmé qu’il existe des membres du système bancaire haïtien qui se livrent à des opérations illégales se rattachant au blanchiment des avoirs. Selon eux, une ou deux institutions bancaires du pays ont mené des opérations de «transferts clandestins » de fonds pour le compte de clients liés aux activités illicites. Ils laissent croire encore que les demandeurs de telles opérations payent des montants élevés sous forme de commissions à ces banques.

Dans cet environnement peuplé de « coquins » qu’opèrent certaines banques de la place, il y a fort à parier que des mesures drastiques seront prises contre certaines d’entre elles. Surtout qu’il y a parmi les opérateurs de banques en Haïti des individus identifiés comme ayant des relations avec des milieux et des personnes jugés à risque pour la sécurité des États-Unis. Pourtant ces banquiers n’ont pas eu froid aux yeux pour mener de telles opérations, ayant décidé d’encaisser les juteuses commissions que celles-ci rapportent.

Pour revenir à cette banque, qu’on prétend être en faillite, mais dont l’identité reste un mystère, un ancien banquier haïtien a ajouté que les comptes que cet hommes d’affaires a fermés représentaient le montant le plus élevé déposé à cette institution, montant qui paralysera totalement les opérations de celle-ci. Parce que, a-t-il souligné encore, la banque en question pourra dif- ficilement naviguer dans le monde bancaire avec tous ces millions contenu dans le pool d’argent sale. Attendons pour voir !

L.J.

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