dimanche 16 avril 2017

Jovenel Moïse : L’avertissement donné à l’Arcahaïe, une affaire sérieuse

CONTRÔLE DU POUVOIR : LES BALLES SIFFLENT A LA CITE DE L’INDEPENDANCE

Jovenel Moïse : L’avertissement donné à l’Arcahaïe, une affaire sérieuse

Marasme économique, mesures restrictives et dossier Venezuela ne font pas bon ménage


PORT-AU-PRINCE 11 avril — C’est un homme abattu, voire désemparé, qui est sorti indemne dans ce qui apparaît comme un guet apens dressé contre lui au village de l’Arcahaïe, à quelques 40 kilomètres au nord de la capitale. Il a fallu une bonne trentaine de minutes aux troupes de l’Unité de la sécurité de la Garde présidentielle (USGP) pour sortir le président nouvellement élu du guêpier qui l’attendait.

Selon les informations disponibles, des balles fusaient de partout, alors que les troupes s’affairaient à garder Neg bannan nan intact. Il a fallu un bon chronométrage aux professionnels qui ont fomenté le coup pour pousser un véhicule en travers du chemin et forcer le cortège présidentiel à stopper. Au village de l’Arcahaie, il se répète que « c’est l’armée indigène qui bataillait », puisque les balles sortaient de partout sans qu’on arrive à dépister les assaillants armés dans le périmètre. Cette thèse est alimentée par le fait qu’il n’y a eu aucune arrestation sur le fait, malgré le ratissage orchestré par des policiers de l’USGP, peu après l’événement.

Un complot ourdi pour mettre le président au pas ?

Il ne fait aucun doute que ce coup émanerait des dissensions non équivoques entre la présidence et des instances du regroupement qui l’ont conduit au Palais national, à savoir le PHTK (Parti haïtien têt kalé) de l’ex-président Martelly et d’autres partis politiques de second ordre. Sinon, fait-on remarquer, Jovenel Moise ne serait pas sorti vivant de ce piège qui n’a fait aucun mort, sinon des blessés parmi les membres les plus zélés de l’escorte du président Moïse. Au juste, voulaient-ils indiquer au président, novice en matière de sécurité, qu’il ne s’agissait pas d’un montage, d’autant que pas moins de six véhicules du cortège présidentiel ont reçu des impacts de balles.

Selon un spécialiste en matière de sécurité, au Palais national, le directeur de la police administrative, duquel doit émaner l’ordre d’assurer la sécurité du président, aurait donné un ordre verbal, en lieu et place d’une transcription écrite. Il arrive aussi qu‘au Palais national, personne ne prend au sérieux le president Jovenel Moïse qui baliverne le plus souvent avec les subalternes. On fait remarquer qu’alors que l’ex-président Martelly était familier avec la troupe, Jovenel est trop souvent à la cuisine et annonce aux simples policiers ses intentions. Ces dérogations à l’éthique auraient occasionné un relâchement des normes de sécurité jusqu’à faciliter l’intervention d’une cinquième colonne dans l’USGP.

Fort du danger qui le menace, le président et son Premier ministre, Jacques Guy Lafontant, ont passé toute la fin de semaine en réunion avec leDG de laPolice nationale d’Haïti, Michael Ange Gédéon. Hormis celui-ci, le président aurait réclamé lamise au rencart de l’état-major et de toutes les directions générales de la Police. Vraisemblablement, cette mesure serait, selon sa propre logique, susceptible de le mettre à l’abri des pourfendeurs de sa décision de partager le pouvoir avec les parlementaires. Mais, s’assimilerait à la politisation totale de la Police nationale d’Haïti (PNH). Une alternative qui ruinerait tout espoir d’avoir au pays d'une force de l’ordre compatible aux idéaux démocratiques stipulés par la constitution en vigueur.

Jovenel Moïse pourra-t-il faire le déplacement à l’Arcahaïe le 18 mai prochain ?
Traditionnellement, le président de la république se rend à l’Arcahaie le 18 mai. C’est à cette date, en l’année 1803, rapporte une version de l’histoire, que Catherine Flon décousit le blanc du drapeau français pour créer le bicolore national bleu et rouge. La Constitution de 1987 en fait une journée chômée et, généralement, le discours présidentiel est très attendu en ces lieux historiques.

Héritage de l’ère Martelly, Jovenel Moïse est aussi contesté que son prédécesseur, en raison de la délimitation territoriale engagée par celui-ci. Depuis, la contestation bouillonne dans cette partie du territoire, tout comme dans d’autres recoins qui avaient subi le même sort. Les Archelois entendent rester rattachés au département de l’Ouest plutôt qu’à l’Artibonite. Des rivalités plus que centenaires sévissent encore dans le milieu, et il n’est pas rare que des affrontements aient lieu lors de matchs de football. On ne peut pas compter le nombre de morts enregistrés dans la population et parmi les forces de police au cours des affrontements qui avaient duré des mois pendant le règne controversé de Michel Joseph Martelly. Jusques sous le gouvernement provisoire de Jocelerme Privert, la tension régnait encore pour atteindre son point culminant au mois de mars dernier avec le record de quatre automobiles incendiées et un nombre inestimable de blessés.

On comprend donc, la vulnérabilité de cette zone de revendications que des nageurs en eaux troubles auraient choisie afin de masquer leurs forfaits, le 7 avril dernier. Il reste pour le moins qu’un défi a été lancé au président Jovenel quant à ses intentions de se rendre à l’Arcahaie le 18 mai prochain. Prendra-t-il des dispositions pour nettoyer la zone, à défaut de renvoyer la décision de l’ancien president Martelly ? Dans les deux cas, le mal paraît infini et sa présidence menacée.

Entre temps, le commissaire en charge de l’avant-poste de l’Arcahaie, qui était à la plage au moment de l’agression armée contre le cortège présidentiel, a reçu une promotion. Son transfert au poste de Delmas a été consacré le 7 avril. D’autres nominations devraient avoir lieu dans les prochaines heures. Il semble, fait-on remarquer, que l’approbation de l’actuel DG de la PNH, Michael Ange Gédéon, se fait attendre. Il aurait des réticences en ce qui concerne le démantèlement de l’état-major de la Police, tel que réclamé avec empressement par le président Moïse.

Jovenel Moïse, un homme seul

Mal aimé de la population, vu avec beaucoup de réserves par le secteur des affaires qui entend perpétuer les acquis de l‘ère Martelly et surtout des parlementaires qui guettent le moment propice pour le mettre en accusation, Jovenel Moise apparaît comme un homme seul. Ses rares proches, qui proviennent du nord-est natal, sont vertement rejetés par la République de Port-au-Prince. Le PHTK réclame des postes ministériels dus à son rôle de facilitateur du pouvoir et serait à la base de ses déboires à l’Arcahaie, s’il faut admettre que le parti de Michel Joseph Martelly contrôle encore la PNH à travers les nominations douteuses effectuées pendant le mandat de Godson Orélus à la tête de l’institution policière. Dans cet imbroglio fatidique, le président prend des mesures restrictives qui risquent de mettre sur la touche les bandits légaux de l’ancien régime Martelly. Ceux-ci n’entendent pas restituer à l’État les véhicules qui avaient été mis à leur disposition par leur ancien patron. Aguerris sur le terrain, ils ne seraient pas prêts à abandonner de tels privilèges.

Pire encore, le silence de la communauté internationale, qui ferme le gousset de la bourse, paraît inquiétant pour l’actuel gouvernement. On ne connaît pas encore les tendances réelles du nouveau président américain, un républicain, héritier de Ronald Reagan, celui qui avait mis les macoutes hors d’état de nuire. En ce sens, le président Moïse n’est pas homme à se laisser tenter par des voyages intempestifs au pays du dieu dollar. En l’absence de signaux positifs, le 28 mars dernier, c’est la première dame, Martine Moïse, qui a répondu à une invitation du maire de North-Miami, Joseph Smith.

La crise économique frappe fort à travers le pays

Dans les milieux financiers, on parle d’une croissance économique inferieure à 0,6 % pour l’exercice en cours. L’argent devient une denrée de plus en plus rare. À tout prix, Jovenel Moïse doit conjointement combler le déficit accumulé par ses prédécesseurs Martelly et Privert, et surtout payer la facture Petrocaribe. Pour pallier à la crise, une entente est intervenue avec plusieurs syndicats de transporteurs, afin d’augmenter le coût de l’essence. Avant de laisser le pouvoir, l’ex-président Jocelerme Privert avait refusé de satisfaire aux demandes du nouvel élu d’agir dans le sens d’une augmentation qui ruinerait ses premiers jours de mandat. L’intention a été débattue en Conseil des ministres et l’arrêté est encore sur le bureau du président attendant qu’il y pose sa signature.

L’autre source de revenue immédiate serait les compagnies de téléphonie cellulaire qui, vraisemblablement, ne se font pas prier, avons-nous appris. Une situation analogue avait sévi dans les derniers mois du gouvernement Martelly/Paul. On avait remarqué que les comptes des abonnés étaient soulagés de rondelettes sommes, sans que l’organisme régulateur, le Conseil national des Télécommunications (CONATEL), n’intervienne. Aujourd’hui, la même mesure a été diligentée par les milieux décisionnels du Palais national. Le président Jovenel Moïse a même donné son approbation face à l’urgence de faire tomber des dividendes dans l’assiette fiscale du pays. Il faut remarquer que les revenus relatifs à l’impôt locatif tomberont à partir du 1er octobre et il faudra attendre fin décembre pour penser à l’immatriculation. Jovenel et son comparse Jacques Guy Lafontant doivent monter un mat suiffé avec leur attitude arrogante dans le dossier du Venezuela. Ceux qui suivent de près l’évolution de leur choix, en peu de temps au pouvoir, ne voient pas comment ils pourront s’adresser à l’ambassade américaine de Port-au-Prince, la réunion avec le CORE Group n’ayant donné aucun résultat. Novice en politique et malgré son expertise dans le domaine des magouilles dénoncées par le rapport de l’UCREF, Jovenel Moïse est parti les mains vides. Vraisemblablement, il restera à sec jusqu’à ce qu’il fasse amende honorable, avons-nous appris d’une source diplomatique de la capitale. Mais, ce n’est pas tout.

Pour comble de malheur, à moins de cent jours de son quinquennat, le milieu des affaires, qui avait financé sa campagne, tend à montrer ses dents. Nous avons appris que le président Jovenel ne paie même pas l’essence de l’hélicoptère que lui passait l’homme d’affaires d’origine arabe Sheriff Abdallah, un allié de l’ex-président Michel Martelly. Un impair qui lui vaut le refus d’embarquer gratuitement dans ce luxueux appareil qui lui aurait épargné la raclée subie à l’Arcahaie,le 7 avril denier. D’autres « sympathisants » du même calibre ont emboîté le pas en faisant la réticence quand il s’agit d’octroyer quelque crédit que ce soit au nouveau régime soupçonné d’être mauvais débiteur. Alors que ce secteur a bénéficié largement des cent-vingt millions décaissés par la Banque centrale afin de soulager l’impact du dollar sur la gourde.

En attendant qu’Haïti réduise ses problèmes économiques en franchissant le cap de la misère endémique qui sévit au point que de pires moments transpirent à l’horizon, le facteur Jovenel Moïse vient obscurcir tout espoir de relance puisqu’il augmente l’incertitude et ses corollaires de malheurs. À moins d’une reconstitution de l’équipe gouvernementale, ce pays retombera dans l’anarchie.

H.O.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire