dimanche 8 janvier 2017

La démocratie en faillite

La démocratie en faillite

Par Pierre JC Allard

Article repris ici pour questionner Haïti, sa politique...

En 1998, Il y a maintenant 10 ans, un sondage publié dans ” Actualité ” - et très largement diffusé - nous apprenait que 4% seulement des électeurs “faisaient très confiance à leurs hommes politiques”. 70% ne croyaient pas qu’ils réaliseraient leurs promesses. Quand 96 % de la population n’a plus très confiance en ses chefs et qu’une bien large majorité d’entre elle ne croit plus en leurs promesses, on fait face à une crise de confiance grave.

Cette crise mène à une désaffection profonde de l’électorat, qui ne perçoit plus très bien l’utilité de son vote, ni même la nécessité de sa participation au processus électoral. Notre démocratie est en faillite.

Pourquoi cette crise de confiance et cette désaffection? À cause de sept (7) vices ou carences graves de notre démocratie actuelle qu’il faudrait de toute urgence corriger:

1 - La valeur nulle de tout engagement préélectoral.

La démocratie représentative repose sur un contrat implicite : le postulat que l’élu qui reçoit un mandat des électeurs suivra la politique qu’il a proposée. Quand le citoyen voit que ce que dit un candidat avant une élection n’est pas un indicateur fiable de ce qu’il fera après l’élection, il n’y croit plus. Cette perte de confiance est la première et la plus grave de failles qui exigent que l’on transforme notre démocratie.

2 - La marginalisation du Parlement

L’électeur doit choisir d’un seul vote : a) le parti auquel il veut confier la tâche de former un gouvernement, et b) le député qui représentera une circonscription électorale. Normalement, il fera le choix rationnel de voter pour le parti qu’il souhaite voir former le gouvernement. C’est un choix rationnel, mais le député, celui qui en théorie nous fait nos lois et devrait représenter l’électeur, ne représente plus que le parti politique qui l’a choisi comme candidat: il pourrait être remplacé par un jeton entre les mains du Premier Ministre.

3 - L’aliénation du citoyen de la chose publique.

Le citoyen ne croit plus que quiconque prétend le représenter au sein de l’État soit vraiment SON représentant et il est donc totalement aliéné de la chose publique. Il faut prévenir et pallier cette distanciation, en recréant la relation personnelle qui était à l’origine du concept de démocratie représentative. Il faut faire en sorte que l ‘électeur ait un représentant qu’il connaisse et auquel il puisse s’identifier

4 - Le biais médiatique qui déséquilibre le dispositif électoral.

Parce qu’il ne peut plus croire ce qu’on lui dit, l’électeur ne peut plus voter pour une idée ou un programme; il en est réduit à voter pour une image et un visage: nous sommes en “démocratie cosmétique”. Mais un politicien a le visage et l’image de ses moyens et de ses appuis; appuis transparents, mais aussi parfois tacites, implicites et occultes. On a prétendu régler ce déni d’équité par la limitation des dépenses électorales, mais les dépenses électorales ne sont que la toute petite pointe de l’iceberg. Ce n’est pas la publicité payée qui est vraiment efficace, mais la publicité gratuite faite par les médias, les commentateurs, les éditorialistes. Comment, sans museler les médias, donner une couverture honnête à chaque parti et à chaque candidat ?

5 - L’exclusion des "petits partis " qui est un veto à l’évolution de la pensée politique.

Notre démocratie, essentiellement de bipartisme, tend à favoriser l’alternance au pouvoir d’un parti de centre-centre-gauche et d’un parti de centre-centre-droite. De même les candidats indépendants sont de facto exclus. Ce bipartisme et cette nécessaire allégeance partisane semblent des facteurs de stabilité, mais il faut, sous peine de stagnation de la pensée politique, encourager l’émergence de nouvelles visions. Comment donner une voix à toutes les tendances idéologiques, mais sans compromettre, ni même retarder indûment la prise de décision politique et le fonctionnement harmonieux de l’État ?

6 - La démarche à huis clos de conception et de préparation des lois.

La démocratie, même représentative dans son application, ne devrait pas se réduire à une intervention ponctuelle du citoyen au choix de ceux qui décideront pour lui de son avenir. Elle devrait signifier la participation continue du citoyen au processus de décision politique, mais aussi à l’identification des problèmes, à l’étude des solutions à leur apporter et à l’élaboration des lois venant encadrer l’application de ces solutions. Comment mettre en place des mécanismes permanents de consultation qui feront la part belle à ce que les citoyens veulent vraiment ?

7 - L’absence de contrôle efficace du citoyen sur l’application des lois.

La démocratie actuelle ne prévoit pas de suivi par les citoyens des gestes posés par l’Administration en exécution des décisions prises par les législateurs. Le pouvoir exécutif ne fait pas de place utile au citoyen au sein des mécanismes de contrôle de l’Administration. Il ne lui laisse, seul devant la machine étatique, que le recours judiciaire, lent, coûteux, complexe. Comment donner au citoyen les moyens de ses droits ?

Il faut réformer notre démocratie. On consulte de temps en temps les citoyens sur un changement du mode de scrutin, parlant d’introduire la représentation proportionnelle, sans plus, comme s’il s’agissait d’une panacée, mais s’en tenir là serait conclure le débat par une modification sans signification profonde.

Pour une vraie réforme de notre démocratie, il faut apporter une solution à chacun des sept (7) problèmes que nous avons soulignés ici. Si on ne le fait pas, elle ne trouvera plus de volontaires pour se porter à sa défense… Elle partira et nous le regretterons. Et il faudra se battre pour qu’elle revienne.

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