vendredi 27 janvier 2017

« État de Droit et Développement »

Me Serge H. Moïse
      
  « Si bergers du troupeau nous nous en constituons les loups. Si gardiens de la maison nous nous faisons les voleurs qui la pillent et qui la brisent. Si rebelles au meilleur de nous-mêmes nous manquons à nos engagements solennels, alors il sera temps d'entrer en jugement avec nous-mêmes et de nous demander des comptes ».

Dumarsais Estimé.
        
        Une toute petite question que les Haïtiens en général et leurs dirigeants en particulier devraient se poser :

         Existe t’il un seul pays sur la planète qui soit parvenu à un quelconque stade de développement, au sens propre du terme, en dehors d’un cadre normatif en adéquation avec sa réalité sociale, économique et politique?
        
        Aucun! Et c’est l’évidence même, car à partir du moment où les droits et libertés ne sont pas respectés à la lettre, il y aura toujours un groupe d’individus sans scrupule, ni foi ni loi, lesquels, par la ruse et/ou par la force, finiront toujours par s’arranger pour s’imposer aux autres et les mener au doigt et à l’œil. Suivez mon regard dirait l’autre!

        C’était le cas avec les monarchies, les systèmes féodaux, les dictatures qui n’ont pas encore tout à fait disparu du paysage, mais la tendance semble de nos jours irréversible. Encore faudra t-il être extrêmement vigilant pour ne pas revenir à ces pratiques obscurantistes d’antan.

        « Le pouvoir rend fou, le pouvoir absolu rend absolument fou »

        Loin de nous, la sotte prétention de vouloir faire la leçon à qui que ce soit. Toutefois, après avoir été victimes, pendant des siècles, du mépris des droits et libertés, et de la manière la plus abjecte : l’esclavage, nous nous sommes révélés, au péril de nos vies, les plus ardents défenseurs de ce concept fondamental « Liberté - Égalité - Fraternité » ce qui a culminé à la geste glorieuse de mil huit cent quatre.

          Nous avons étonné le monde entier en mettant fin à ce système odieux de l’exploitation de l’homme par l’homme, avec pour moteur : notre ferme détermination de vivre libre ou de mourir!
Nous devrions être, encore et pour toujours, les parangons de cette culture du respect des droits et libertés, or triste paradoxe, il n’en est rien et aujourd’hui, reconnaissons-le, nous sommes la risée de ceux qui voyaient en nous des modèles, sinon des guides.

        Á cause de notre désinvolture inénarrable, de la Perle des Antilles, il n’y a pas si longtemps, nous voilà devenus les champions de l’incompétence, de la corruption et par voie de conséquence, de la misère sous toutes ses formes.

        Et la vie continue comme si de rien n’était!

        Les épithètes les plus malheureuses nous sont collées : république de banane, le pays le plus pauvre du continent, la poubelle au coin des Amériques, ce qui ne manque pas de faire pleurer certains d’entre nous, alors que d’autres redoublent de prières et d’incantations de toutes sortes, pourtant rien n’y fait!

        N’empêche que nous maîtrisons les théories de Montesquieu, celles de John Loke, du grand Hobbes, de Cesare Lombroso ou Enrico Ferri. Nous faisons les tirades les plus savantes citant allègrement Jean-Jacques Rousseau, Blaise Pascal, Antênor Firmin, Dr Jean Price-Mars, Edouard Glissant, Louis Joseph Janvier, Klébert Georges Jacob, Cheikh Anta Diop, Me Gérard Gourgue, pour ne mentionner que ceux-là, et comme dirait Piram : « Epi! Epi anyen! ». Il est donc temps pour nous de faire le distinguo entre, l'éducation qui fait de nous des acculturés et la formation à l'haïtienne, avec évidemment ouverture sur le reste du monde.

        Une perle égarée dans une eau boueuse ne perd rien de ses qualités intrinsèques. Il suffit d’un léger nettoyage pour qu’elle réapparaisse dans toute sa splendeur.

        Ainsi, en sera-t-il de notre Haïti chérie, à condition de bander toutes nos énergies, de manière pragmatique certes, et de nous attaquer de plein front aux causes de nos tares individuelles et collectives, qui sont d’ailleurs connues.

        Depuis l’importation de nos codes de lois, ce qui remonte aux années mil huit cent vingt cinq, tous nos gouvernements ont littéralement traité le pouvoir judiciaire en parent pauvre, quand ils ne l’ont pas systématiquement vassalisé et avili à plus d’un titre.

        Ce qui est pour le moins gênant, c’est que tous nos ministres de la justice, sauf une exception, furent des avocats. Plusieurs de nos présidents étaient issus de la basoche haïtienne et force est de constater que plus ça change plus c’est pareil!

        Est-ce à dire que dans notre « singulier petit pays » même les protecteurs de la veuve et de l’orphelin, dès qu’ils s’égarent en politique, oublient que, dans toute société, sans l’administration d’une justice saine et équitable, il ne saurait y avoir de développement durable tant sur le plan individuel que collectif.

        La constitution et les lois d’un pays, tout le monde le sait, façonnent le cadre normatif prépondérant et indispensable au bon fonctionnement de ses institutions.

        Pour amorcer le changement tant attendu et rejoindre le concert des nations civilisées, nous devons donc, sans terme ni délai, créer de manière scientifique les instruments modernes pour une réforme en profondeur du système de justice de la première république nègre du continent. Un seul et unique ingrédient a toujours fait défaut à la concrétisation de cette réforme tant réclamée et depuis toujours : a volonté politique!

        La loi portant création de la « Commission Nationale de la Réforme Judiciaire » (CNRJ) annoncerait les couleurs et mettrait en confiance les éternels sceptiques. La restauration de l’autorité de l’Etat ne relève pas des caprices du prince, mais se construit à partir du dialogue et de la concertation entre les différents secteurs de notre nation en devenir et s’exprime à travers des lois en adéquation avec notre réalité et notre vision de l’avenir.

        La priorité des priorités de l’heure demeure le choléra et la relocalisation de nos milliers de sinistrés, cela va de soi. La justice, la santé et l’éducation doivent constituer les fers de lance de la reconstruction et de la refondation du pays, cependant, faut-il le rappeler et le souligner à l’eau forte pour la énième fois : Un homme qui ne travaille pas, ne saurait être utile à lui-même, à sa famille et encore moins à sa communauté. Le développement étant d’abord humain, la création de quelques millions d’emplois s’avère la clé de voûte incontournable en la circonstance.

        Ce en quoi, le projet de loi portant création du (FHS) Fonds Haïtien de Solidarité, initiative solidaire et inclusive, s'inspirant de l'économie sociale, devrait faire l’objet de l’attention soutenue des adeptes de l’innovation et du développement endogène.

        C’est par la création de ces millions d’emplois que nous commencerons à recouvrer notre dignité de peuple perdue depuis belle lurette. Grâce au (FHS) Fonds Haïtien de Solidarité, nous allons rompre avec l’attitude de mendiant international et dans un avenir rapproché, nos sœurs et frères de l’intérieur ne seront plus des zombis assistés et nous prouverons au monde entier, auquel nous sommes d’ailleurs reconnaissants, que nous avons décidé de prendre en main notre destin par nous-mêmes et pour nous-mêmes!

Me Serge H. Moïse av.

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