mercredi 9 mars 2016

Martelly : L’impunité par le truchement d’un régime fantoche

DÉTOURNEMENTS DE FONDS PUBLICS, CORRUPTION ET ACTIVITÉS ILLICITES

Martelly : L’impunité par le truchement d’un régime fantoche

L'ambassadeur Pedro Antonio Canino Gonzales du Venezuela lors d'une rencontre avec Michel Martelly au Palais National et lors d'une rencontre avec Evans Paul à la primature.



Par Léo Joseph

Avant même que soit installées de structures nécessaires pour effectuer l’audit des administrations Martelly-Lamothe et de Martelly-Paul, les informations recueillies ça et là semblent accréditer l’existence, au cours du quinquennat tèt kale, d’une vaste opération de détournements de fonds publics, d’activités illicites et de corruption au détriment des intérêts du peuple haïtien. Alors que les autorités des États-Unis, pays dont les membres de la famille Martelly sont des citoyens ont suivi et inventorié des comptes en banque alimentés de transferts clandestins faits pour le compte de l’ex-famille présidentielle haïtienne, il reste encore des dizaines de millions qui ont été ramassés puis transférés via personnes interposées utilisées comme prête-noms.

On avait toujours l’impression que l’acharnement de l’ex-président musicien à organiser des élections faites sur mesure avait pour objectif de le couvrir d’impunité, afin de le protéger contre des poursuites judiciaires dont il craignait être l’objet dès qu’il serait privé du « privilège » de dicter les décisions desjuges à tous les niveaux du système judiciaire. Mais, les premières informations diffusées dans la presse invitent à lever le voile sur les activités illégales, franchement criminelles, du chanteur du compas. Sweet Micky se battait du bec et des ongles afin de réussir à se faire succéder par son homme lige, en l’occurrence Jovenel Moïse, unique moyen de s’épargner les nombreux désagréments qui pourraient surgir contre lui. Dans le cadre de ses démarches pour mettre son poulain à la tête de l’exécutif, une fois son quinquennat terminé, Martelly agissait en connaissance de cause, car imbu de ses déprédations contre les caisses publiques et les nombreuses violations des lois du pays sous forme d’activités illicites menées de concert avec des amis et partisans dont la réputation dans le monde interlope est de notoriété publique. Il est donc aisé de comprendre pourquoi, en dépit des mises en garde venues de pays amis, notamment les États-Unis d’Amérique, Michel Martelly attirait dans son entourage des anciens musiciens et courtisans ayant trempé dans des combines louches ou participé au commerce de cocaïne et d’autres substances interdites.

Les fonds Pétro Caribe principale victime de Martelly

On aura beau accuser, dénoncer les déprédations de Michel Martelly sur le Fonds Pétro Caribe, mais on n’arrivera jamais à connaître toute l’affaire, à moins que soit déclenchée une enquête exhaustive sur son administration. C’est pourquoi il faut se méfier des dirigeants qui font traîner en longueur la décision d’ordonner un audit de la gestion des deux administrations qui étaient en charge durant le quinquennat de Sweet Mickey. Puisque, des révélations faites par des proches collaborateurs de ce dernier ont indiqué clairement que les projets sociaux de la présidence (Palais national et première dame) se trouvent parmi les moyens utilisés par l’ex-première famille d’Haïti pour dévaliser les caisses de l’État, rançonnant les différents ministères et allégeant le Fonds Pétro Caribe de plusieurs centaines de millions de dollars, par l’octroi de contrats de gré à gré accordés aux partisans du pouvoir et amis.

En effet, des centaines de millions de dollars extraits des comptes en banque de Pétro-Caribe sont versés sous forme de paiements à ces compagnies qui effectuent le règlement des factures par un système de surfacturation mis en place de concert avec le Palais national. Les responsables des compagnies chargées d’exécuter les travaux bénéficient des contrats en acceptant de verser des ristournes au président. Dans l’optique des parties contractantes, il s’agit d’une situation où l’on gagne à tous les coups. Car les firmes bénéficiaires de contrats n’auraient rien si elles n’acceptent pas de verser des pots de vin au chef de l’exécutif. Dans le même ordre d’idées, ce dernier ne peut rien collecter sans se mettre d’accord avec celui qui donne son aval pour que lui soit donné le contrat. On laisse croire que dans bien des cas le versement de ristournes s’effectue via une institution bancaire off-shore.

Des prête-noms pour brouiller la piste des millions détournés ou mal acquis

Grégory Mayard-Paul
Dès les premiers jours qui ont suivi sa prestation de serment comme président de la République, Michel Martelly a décidé de créer un réseau de prête-noms afin de brouiller la piste des millions à détourner. Ou bien utilisant des compétences et des opportunités offertes par des banquiers proches du pouvoir, ils effectuent des transferts aux comptes de prête-noms à l’étranger.

En effet, des proches du pouvoir tèt kale ont révélé que l’un des fonctionnaires de l’État ayant servi de prête-nom à la famille Martelly n’est autre qu’Alix Célestin, directeur général de l’Autorité portuaire national (APN), étant entré en fonction à cette même institution presqu’immédiatement après l’accession du musicien au pouvoir. Non seulement qu’il a fourni des dizaines de millions à la famille présidentielle, il a joué le rôle de blanchisseur des avoirs pour l’ex-président Martelly, la première dame et le fils aîné du couple présidentiel.

Rénald Pascal

Toutefois, ce moyen alambiqué d’opérer ces transactions financières n’a pu mettre hors de piste les agents fédéraux constamment aux aguets. Car, depuis plus de deux ans, les autorités judiciaires américaines, mises au courant des activités illégales de la famille Martelly, notamment dans la corruption, et le détournement de fonds publics, en sus du commerce illicite de stupéfiants, avaient tout ce beau monde dans leur collimateur.
Alix Célestin

Par ailleurs, Alix Célestin a investi des millions de dollars fournis aux Martelly dans plusieurs constructions d’immeubles, prétendant avoir financé ces immeubles à l’aide de prêts accordés par des banques locales. C’est aussi la même chose pour Rénald Pascal, propriétaire de Belvédère. Servant de prête-nom à Olivier Martelly, présentement aux prises avec la justice américaine, on prétend qu’il aurait acheté, à Montagne Noire, dans les hauteurs de Pétion-Ville, une maison ayant appartenu à la famille Sajous pour la somme d’un million de dollars. Ces mêmes sources ont laissé entendre qu’il aurait également construit un complexe résidentiel à Péguy-Ville (à la rue Solon Ménos) estimé à 3 millions.

Signalons, en passant, qu’une compétition fait rage, dans la construction d’immeubles de grand prix, entre les barrons tèt kale. Puisque Grégory Mayard-Paul, amis proche et conseiller de l’ex-président Martelly, avait construit, également à Péguy-Ville, mais à la rue E. Pierre, un immeuble qui aurait coûté 4 millions. De même, des sources proches de l’ancien régime tèt kale ont affirmé que Ronsard Saint-Cyr, présentement directeur général du Fonds d’assistance économique et social (FAES) a réalisé une série de constructions de cette envergure, en Haïti et en République Dominicaine.

Quel est l’état de santé des finances du pays ?

Wilson Laleau
La question des finances du pays et des Affaires économiques Wilson Laleau, d’autre part.

En effet, M. Privert a tiré la sonnette d’alarme, faisant croire que les finances du pays sont dans un état « catastrophique ». Prenant le contre-pied de la thèse de l’occupant provisoire du Palais national, M. Laleau impute les dires du chef de l’exécutif à une méprise, voire à la malveillance, car, selon lui, il n’y a pas lieu de se faire tant de souci concernant les affaires du pays.

Mais des observateurs sont d’un avis contraire, par rapport à la version véhiculée par Laleau, puisque, arguent-ils, celui-ci a été le grand argentier sous Martelly et il est témoin des gaspillages de fonds perpétrés par ce dernier ainsi que les décaissements réalisés sur les fonds Pétro-Caribe et d’autres ressources de l’État. En un sens, les mêmes observateurs pensent que la défense de l’administration Martelly qu’a faite Wilson Laleau s’inscrit dans le cadre d’une auto-défense du ministre des Finances dont le nom a été cité dans des transactions financières jugées inappropriées.

Qu’en est-il des difficultés rencontrées par le BMPAD ?

Au moment où Wilson Laleau se fait le défenseur de l’administration Martelly-Lamothe et Martelly-Paul, on apprend que le Bureau de monétisation des programmes d’aide au développement (BMPAD), chargé de l’importation de produits pétroliers, se trouve confronté à de sérieuses difficultés, car voguant pratiquement dans la faillite. C’est ce qui ressort de la réunion qui s’est déroulée vendredi dernier entre le président provisoire et Eustache Saint-Lot, directeur général de cette institution.
Ronsard St-Cyr
Selon le rapport fait à Jocelerme Privert par M. Saint-Lot, le BMPAD traîne huit mois d’arriérés totalisant un montant d’USD 91 millions $. Alors que doit s’effecteur bientôt une livraison de pétrole qui coûtera environ USD 9 millions $. Pour l’instant, écrit le journal Le Nouvelliste, le BMPAD possède, à la Banque nationale de la République d’Haïti ou Banque centrale (BRH) et à la Banque nationale de crédit (BNC) la somme totale d’USD 66 millions $. S’il décide d’éponger cette dette, il lui manquerait 25 millions en sus des 9 millions à payer pour la prochaine livraison.

Selon d’autres informations recueillies sur place, le Venezuela, qui traverse une crise économique aigue, exerce des pressions pour se faire payer par Haïti. Or cette situation est on ne peut plus bizarre quand on se souvient, il y a à peine huit mois, l’ambassadeur vénézuélien en Haïti présentait Haïti comme un débiteur modèle. En effet, à l’occasion de la commémoration du dixième anniversaire de l’accord Pétro Caribe, Pédro Antonio Camino Gonzales avait, le vendredi 26 juin, fait état de la satisfaction de son gouvernement par rapport à la manière dont le gouvernement haïtien gérait ce fonds. Cité dans l’édition du 26 juin 2015 du Nouvelliste, le diplomate vénézuélien déclarait : « Haïti figure parmi les pays de la Caraïbe et de l’Amérique latine qui paient à temps la facture dans le cadre de l’accord Petro Caribe créé en 2005 par le président Hugo Chavez, qui a gouverné le Venezuela de 1999 à 2013 ».

Eustache Saint-Lot
De toute évidence, il y a anguille sous roche avec le Fonds Pétro Caribe. Il sera impossible de percer le mystère qui entoure les transactions effectuées avec les ressources dérivées de la vente du pétrole vénézuélien sur le marché national. Sans un audit de la gestion de l’administration publique, tel que demandé par des voix autorisées du pays, la nation sera tenue dans le noir par rapport aux nombreux projets financés à partir du fonds Pétro Caribe ainsi que l’usage auquel ont été affectés les décaissements ordonnés par les anciens dirigeants.


Michel Martelly continue de se battre pour repousser toute possibilité de faire un audit de son administration, car connaissant bien les détournements de fonds et d’autres brigandages.


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